dimanche 4 mai 2008

Révélation


Aujourd'hui j'ai fait ça :
J'ai froid.
C'est étrange cette température, ça me glace les membres. Je le savais, putain j'suis vraiment conne. Ne jamais s'approcher trop près de la corne d'abondance ! Combien de fois on m'a prevenu ! Combien d'histoires hallucinantes j'ai perçu sur celles qui ne reviennent jamais ? Ra quelle conne !
Mais cette odeur aussi... Cette odeur ! C'est physique voyez, impossible de résister. Elle m'excite. Vous savez, ce genre de sensation qui en un fragment de moment vous paralyse sur place. L'immobilité totale, le choc, la fascination. Le désir suprême.
Ca nous prend au corps. ça suscite tremblements, palpitations, urgence. Urgence.
On ne contrôle plus rien, on n'a plus qu'un but : l'atteindre ce grâal, cette promesse d'éden.
L'ivresse se saisit de notre être et on fonce sans réfléchir, les nerfs sont à vif, les connections cellulaires se font et on se jette dans le piège de miel. On suit la lumière totalement aveuglé. On veut, on désire, on n'espère même pas, on sait que ce sera bon. Et c'est bon. Merveilleux même, plus on s'approche de sa source plus l'odeur se fait entêtante. Elle nous enveloppe, c'est agréable, doux comme la rosée matinale, violent comme une bourrasque hivernale qui nous inonde d'adrénaline.
Mais l'apogée, c'est la révélation, l'odeur identifiée qui nous donne la vision de notre but. L'envie n'en devient que plus agressive : on ne veut plus on doit avoir !
Et on atteint. Enfin. On l'observe, on cherche l'endroit idéal ou se mettre, on se nettoie minutieusement (tout doit être parfait), et on goutte. Tout doucement, en fin gourmet on se délecte. Satisfait, toujours, on se baffre, on se gave, on déborde. Ça a la couleur du ciel quand le soleil commence à descendre, c'est animal, c'est salé, c'est recouvert d'une épaisse pellicule grasse qu'on dévore gloutonnement avant d'atteindre le muscle. Le soleil lui a donné du gout, la graisse suinte. L'odeur légèrement rance nous fait chavirer.
C'est incroyable une sensation de la sorte. Innommable. Du plaisir à l'état pur qui s'écoule sournoisement à travers nos terminaisons nerveuses.
On a chaud tout en étant parcouru de frissons. On a envie de crier au monde notre félicité. De la hurler même parfois.
Et on avale jusqu'à épuisement, on n'ingurgite tant et tant qu'on pense que c'est tellement fort et qu'on n'arrivera jamais à un tel Nirvana une nouvelle fois. On est insatiable et c'est si bon de s'apercevoir qu'il y en a à foison, qu'on pourrait rester là éternellement à se sustenter. Et le temps s'écoule, sans qu'on s'en rende compte le ciel est noir, comme éteint subitement, c'est passé tellement vite on aurait voulu que ça dure éternellement, et plein comme on est on se dit qu'on s'endort et qu'on continuera demain au lever du jour, dés ses premières lueurs pour pas en perdre une miette vu qu'il en reste encore et encore et plein et tellement. Et penser ça nous redonne l'agitation, la violence intérieure du "j'en veux plus toujours plus encore ENCORE ENCOOOOORE". Mais on calme son feu intérieur, on se dit qu'en patientant ça sera encore meilleur, savourer devient le maitre mot, on a le temps on le sait. Alors on sommeille.
Mais au réveil j'ai froid. C'est anormal. Et de pire en pire. Le temps s'est déréglé, je ne comprends pas ce qui se passe. Les odeurs se sont démultipliées mais de façon étrange, comme gelées dans l'atmosphère. Le jour se fait de temps en temps mais tellement cru et blanc et irrégulier, on dirait que le soleil a attrapé un rhume et qu'il éternue parfois sa lumière. C'est sale, tout est sale. Comme si y avait plus de lois. Comme si la nature s'était brisée.. J'ai si froid c'est incompréhensible., mes ailes bougent de plus en plus difficilement et mes pattes s'engourdissent. C'est douloureux, pas violemment, sourdement. J'ai l'impression de ralentir. Je ne parviens même plus à manger pour survivre. J'ai vraiment froid, et tellement envie de dormir. Je m'enfonce. Mon poids a décuplé. Mes yeux me brûlent et je ne peux même pas les nettoyer. Je me sens impuissante, comme si je me regardais mourir, ma trompe m'est inutile ça y est. J'ai froid.

Tout ça pour éviter de bosser pour ma licence de merde, en me disant que de toutes façons ça m'apportait plus.
Ce qui me fait penser, après avoir traîné mon âme en peine sur le journal de Claire Legendre, que mon état d'esprit est plutôt depuis très longtemps assez proche de
ça.
Désolant.